Un texte reçu ce jour de Nicole Tourneur...
et que nous avons envie de partager avec vous.
D'ANTAN, moi aussi j'ai souri, moi aussi j'ai fait comme....
LE CYANURE SUR LA CERISE
Ce soir, je voudrais demander pardon aux handicapés moteurs. Ceux qui se baladent en fauteuil roulant, qui aimeraient communiquer mais vers qui on ne baisse pas le regard parce qu’ils ne sont pas la hauteur. Pas à la hauteur des deux jambes, pas à la hauteur des gens normaux.
Ce soir pour la première fois, j’ai fait l’expérience d’aller dans un cocktail en fauteuil roulant. J’avais briqué mes roues en alliages, vous savez celles qui servent à faire avancer le carrosse quand personne ne vous pousse. Elles étaient belles, magnifiques.
Me concernant, j’avais fait mon possible, mais enfin les miracles, c’est à Lourdes qu’il faut aller les chercher. Durant la soirée, je n’ai manqué de rien, il y avait toujours une âme charitable pour me présenter un plateau rempli de petits fours, à tel point que je ne savais où les poser.
Et puis les groupes se sont formés et la solitude m’a enveloppée, j’étais dans une bulle hermétique, plus rien ne passait. Ma voix voulait traverser la foule mais rien n’y faisait. Parfois, je captais un sourire. C’est beau un sourire, c’est gratuit et ça déculpabilise. Moi aussi, j’ai souri, moi aussi, j’ai fait comme si je ne voyais pas briller les jantes parce que je m’interrogeais sur la façon de parler à ces fichus handicapés. C’est vrai, ils sont différents et en plus ils voudraient qu’on les intègre.
Un jour, l’un de mes oncles a dit à son frère « je ne sais pas comment parler à Nicole ! ». Normalement, tonton, parle-moi normalement et tu verras, ça ira tout seul !
Ce soir, pour la première fois, j’ai compris ce que signifiait le mot « solitude ».
Nicole Tourneur, mai 2010