J'ai la vie décousue. Pareil au camionneur
Je mange du bitume au son sourd du moteur.
Je déjeune au routier d'une andouillette frite.
Un café, l'addition, termineront le rite.
Il parait qu'on envie la vie du travailleur
Qu'en ce début de siècle, on craint d'être chômeur.
Quand arrive le soir, j'ai la tête bien lourde.
Mon hôtel une étoile a des toilettes gourdes.
Ses tuyaux dans la nuit m'abreuvent de glouglous.
Surtout qu'en plein hiver je dors dans un iglou.
Pourquoi plus je cotise et plus la pension baisse ?
Peut-on tenir l'âge de la retraite en laisse ?
Je fatigue mes jours comme un déménageur
Courbé sous le fardeau d'un bien trop dur labeur.
Je ploie. Je plie. Mon dos se voute et je blanchis.
Ma peau se ride et se distend telle un torchis.
La fin de la semaine est comme un sanctuaire
Bordant les jours ouvrés d'un somptueux suaire.
J'ai bien trop abusé. Je finirai malade
Boulonné au travail, la mort en accolade.
Pascal Lecordier